CHRISTINE ou la révélation d'une bourgeoise

 

CHAPITRE 2

C'est dans un état de fébrilité extrême que je me préparais à rencontrer M. Nordan. J'avais choisi de mettre ma robe parme de forme portefeuille afin de soigner "ma personnalité extérieure", comme avait dit M. Rimbon. Cette robe, selon la vendeuse, me mettait bien en valeur et affinait ma silhouette. Elle était légèrement décolleté. Si je n'y prenais pas garde, elle avait une fâcheuse tendance à s'ouvrir dévoilant mes jambes.

M. Nordan me reçut après que j'eusses poireauté prés d'une heure dans une salle d'attente contiguë au bureau directorial reconnaissable par la plaque sur la porte qui mentionnait son nom. J'entrais dans son immense bureau meublé en contemporain avec beaucoup de goût et de classe. J'étais debout face au bureau. M. Nordan écrivait. Il ne s'occupait pas de moi. Ce temps me parut une éternité, moi debout, lui dans ses papiers. Enfin il leva son regard vers moi et me déshabilla du regard. J'étais très gênée, mais avec courage je décidais de riposter. Je le détaillais donc à mon tour. La cinquantaine, les cheveux grisonnants assez courts, les yeux verts, le nez aquilin, la bouche pincée et le menton pointu, de fait il avait l'air plutôt bien de sa personne et à l'aise dans son costume trois pièces gris rayé de bleu.
Cette inspection dura certainement peu de temps mais elle fut interminable. Il m'invita, enfin, à m'asseoir. Comme à l'accoutumé ma robe dans ce mouvement découvrit mes cuisses une fraction de seconde, le temps que prestement de ma main je replace le pan de la robe. Cependant je perçus dans le regard de mon interlocuteur un sentiment de désapprobation. Son regard s'était durci. Il me demanda de me relever et de me rasseoir. La même scène se déroula. Son regard devint presque méchant. Je comprenais bien que j'avais fait ou pas fait quelque chose qui lui déplaisait, mais j'ignorais quoi. Une étincelle jaillit tout à coup dans mon subconscient. Je venais de comprendre. Il voulait voir mes cuisses le goujat. Ainsi les prophéties du chef comptable et les petits sourires du banquier s'expliquaient. Mais où étais-je tombée ? De toutes manières il n'aurait pas ce plaisir. On était là pour parler boulot et non pour la bagatelle. Un éclair me traversa l'esprit. C'était la survie de mon foyer que je jouais. Un combat éclata dans ma tête. Devais-je lui dévoiler quelques centimètres carrés de mon épiderme pour obtenir ce job ou bien ma fière pudibonderie saurait assumer notre minimum vital ?
Ma réflexion ne fut pas longue. Il allait ouvrir la bouche lorsque je croisais les jambes. Le portefeuille, comme je le voulais glissa et ma cuisse gauche apparut à moitié. Il avait l'air de savourer à la fois sa vision et sa victoire psychologique. De mon coté j'avais l'impression d'avoir, malgré tout marqué un point. Il se détendit. Un léger sourire prenait naissance à la commissure de ses lèvres. Il ouvrit la bouche pour tout simplement m'ordonner de lui montre mes seins. Quel coup de massue me frappa le crâne. Il était fou. C'était un maniaque. Il voulait peut-être aussi me sauter là, sur la moquette ? Je ne bronchais pas, faisant celle qui n'avait pas comprit. Son regard redevint méchant. Cette fois je n'obtempérerai pas. Il était hors de question d'aller plus en avant dans ce jeu stupide et malsain. Et pour le boulot Tant pis ! Je recommencerai à chercher. Je prendrai des annonces moins qualifiées, je ferais même des ménages, mais je ne céderai pas à cette ignominie.
Un ange passa. J'en profitais pour recouvrir ma cuisse en resserrant mes cuisses. Devant cette insurrection et mon refus, il m'informa, de manière fort courtoise que l'entretien était clos et que je pouvais disposer. Toutefois il me précisa qu'il tenait à mon égard des informations lui permettant de croire qu'avec un peu de réflexion je reviendrai le voir pour le supplier de m'engager. Mais la place pourrait être prise. Mais pour qui se prenait-il ce plouc ? Comment pouvait-il espérait que moi, bonne épouse fidèle et bonne mère de famille, j'allais comme ça tomber dans la turpitude pour ses beaux yeux ? il était vraiment fou à lier. C'était un mégalomane de bazar.

Ce ft la rage au cœur que je rentrais chez moi. Un sentiment mitigé d'impuissance et de colère m'étreignait. Il fallait que je réagisse. Une fois à la maison je reprenais ma plume et à nouveau je faisais mes offres de service. Je répondais systématiquement à toutesles petites annonces qui me tombaient sous la main. Je n'allais tout de même pas me laisser faire. Je me battrais jusqu'au bout. Petit à petit le calme revenait en moi. Mais une immense crainte m'envahissait.

La soirée fut extrémement pénible. Pierre venait de voir, une fois de plus, un client lui échapper. Et pour couronner le tout mon cadet avait contracté la rougeole. Décidement tout tournait mal. Mais il fallait impérativement que je m'accroche. Pour me changer les idées je me montrais très caline avec mon mari. Mes soucis et mes angoisses s'estompèrent graduellement au fur et à mesure que les doigts de mon homme parcouraient mon corps. Dans notre lit douillet, il savait parfaitement me faire oublier les reste du monde. Le sanf italien qui courrait dans ses veines lui permettait d'être toujours physiquement à la hauteur quelque soit la situation. Petit à petit une chaleur bienfaisante m'emplissait. Nos ébats amoureux très conventionnels me donnaient toujours beaucoup de plasir. Pierre savait parfaitement diriger mon corps fébrile et m'amener régulièrement à l'extase. Ainsi complétement vidée de mes appréhensions quotidiennes mon mari réussit à me faire jouir. Et c'est fourbue que je m'endormai blottie contre lui.

(à suivre)